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Nigeria: Procès en appel pour Amina Lawal, menacée de lapidation

La Nigériane Amina Lawal, condamnée à mort par lapidation pour avoir eu un enfant hors mariage, a comparu mercredi devant la Cour d'appel islamique de Katsina (nord).
La Nigériane Amina Lawal, condamnée à mort par lapidation pour avoir eu un enfant hors mariage, a comparu mercredi devant la Cour d'appel islamique de Katsina (nord), qui a examiné son recours contre le jugement, avant d'ajourner son verdict au 25 septembre.

"La Cour a entendu les deux parties aux procès, et ajourne son verdict au 25 septembre", a déclaré à l'issue du réquisitoire et de la plaidoirie la plus haute autorité juridique islamique de l'Etat de Katsina, le grand cadi Amin u Ibrahim, qui présidait l'unique journée d'audience.



La Cour islamique de l'Etat de Katsina avait déjà reporté deux fois l'audience d'appel et le grand cadi, avant d'appeler défense et accusation à présenter leurs arguments, avait pourtant souligné que "c'est une affaire vitale qui n'a déjà que trop duré, nous n'avons pas le temps pour de nouveaux retards".



"Il est bon qu'Amina connaisse son sort. Elle sera soit lapidée soit acquittée. Il n'est pas bon de la maintenir dans l'attente trop longtemps", avait-il ajouté, devant une salle d'audience bondée, où un important dispositif de sécurité avait été déployé.



Pendant la plaidoirie de son avocat Aliyu Musa Yawuri, l'accusée, visiblement nerveuse, se tenait dans un coin de la salle, sa fille Wasila dans ses bras.



Amina Lawal, mère de famille de 31 ans, a été condamnée à mort par lapidation en mars 2002 par un tribunal islamique du nord du Nigeria, pour avoir eu un enfant plus de deux ans après avoir divorcé, ce que la charia (loi islamique), réintroduite dans les affaires pénales, en 2000, dans 12 Etats du nord du Nigeria à majorité musulmane, considère comme un crime.



L'avocat de la jeune femme a axé sa plaidoirie sur les faits et la procédure pour tenter de démontrer que la condamnation était douteuse, et n'a pas cherché à remettre en cause le système controversé de la Charia.



Me Yawuri a affirmé que le tribunal qui avait jugé Amina en première instance ne lui avait pas expliqué correctement son inculpation et les conséquences de ses propos lors du procès.



Il a aussi avancé que l'enfant avait été conçu avant l'entrée en vigueur de la charia dans l'Etat de Katsina, et que la grossesse avait été le résultat d'un possible "embryon dormant" (phénomène reconnu par la loi islamique), fécondé alors qu'Amina était encore mariée.



Le procureur, Nurulhuda Mahmud, a contesté ces arguments, en avançant tout d'abord que si la Charia n'était entrée en vigueur qu'en juin 2002, une "déclaration intérimaire" d'introduction de la Charia avait été faite par le gouverneur de l'Etat dès août 2000.



Il a également estimé que c'était à Amina d'apporter la preuve d'un embryon dormant", notant qu'elle n'avait pas utilisé cet argument en première instance.



Ce procès est suivi par les médias internationaux, et des observateurs étrangers sont présents à l'audience, où plaident des avocats de renom. Le sort d'Amina, villageoise dénoncée aux autorités religieuses par ses voisins, est en effet devenu emblématique et provoqué de nombreux mouvements de sympathie dans le monde.



"Amina est extrêmement inquiète. Parfois elle ne peut même plus manger. Elle attend avec anxiété de voir se terminer cette affaire pour pouvoir se marier et avoir une vie normale", a confié son oncle, un fermier de 50 ans, Magaji Liman, avant l'audience.



A l'issue de celle-ci, Hauwa Ibrahim, avocat et ami d'Amina, s'est déclaré confiant, déclarant avoir "bon espoir de gagner", alors que sa cliente regagnait son village de Kurami en compagnie de sa famille.



Le procureur, tout en souhaitant "que la Cour fasse droit à (ses) arguments", a toutefois estimé que "la Charia ne désire pas absolument exécuter des condamnations à mort". "Si la Cour a le moindre doute quant aux poursuites, cela devrait suffire à sauver la vie d'Amina", a-t-il ajouté, semblant devancer une éventuelle défaite.



Si plusieurs condamnations à la lapidation pour relations sexuelles hors mariage ont été prononcées dans des Etats du nord du Nigeria, pour l'instant, aucune de ces sentences n'a été exécutée.



Ces affaires mettent dans l'embarras le gouvernement fédéral du président Olusegun Obasanjo, pris entre les pressions étrangères et la population musulmane qui représente près de la moitié des 120 millions de Nigérians.



M. Obasanjo, qui a promis que les cours d'appel fédérales annuleraient toute condamnation à mort par lapidation, espère toutefois que la Cour d'appel islamique de Katsina infirmera la condamnation avant que la procédure n'atteigne un niveau fédéral.