Développement de l’autonomie et du leadership des femmes pour la democratisation

  • العربية
  • English
  • Français
  • Bahasa Indonesia
  • اردو

Culture, Religion et Politique

Published Date: 
Thursday, January 14, 2016
Source: 
WELDD/WLUML

 

Marième Hélie Lucas

 

 

 

Présentation à l’atelier WELDD-WLUML

Dakar, 28 avril-2mai 2013

 

 

D’où je parle

Je suis algérienne, j’ai vécu en Algérie depuis ma naissance, j’y ai passé tout le temps de la guerre d’indépendance (1954-62) et jusqu’à la fin des années 80 – date à partir de laquelle les ravages de l’intégrisme armé se sont violemment faits sentir  : l’intégrisme armé a fait environ 200 000 victimes au cours de la décennie 90. En tout, presque 50 ans de ma vie.

À partir de la montée de l’intégrisme armé en Algérie, j’ai passé de nombreuses années en Europe et je vis actuellement la plupart du temps en Asie du Sud. Aussi bien en Europe qu’en Asie du Sud, j’ai pu observer la montée de l’intégrisme religieux, qui présente de nombreux caractères semblables à ce que j’ai pu voir et vivre en Algérie.

En tant que femme, j’ai expérimenté de très près les ravages de l’intégrisme sur le statut et la vie des femmes.

Mon exposé sera donc nécessairement basé sur mon expérience de l’intégrisme musulman.

Est-ce à dire que l’intégrisme n’existe que chez les musulmans? Certainement pas et on pourrait citer bien des exemples actuels d’intégrisme chrétien, juif, bouddhiste, hindouiste, etc. (http://siawi.org/article609.html The Enemy of My Enemy is not My Friend – Fundamentalist Non State Actors, Democracy, and Human Rights, Marième Hélie Lucas, 2007)

Toutefois, l’intégrisme musulman est le seul qui se développe actuellement internationalement, sur tous les continents, contrairement aux autres intégrismes religieux qui sont le plus souvent circonscrits à une aire géographique limitée.

C’est aussi un des plus - et peut être le plus – virulent, en terme de nombre de victimes.

Le problème se pose avec acuité, y compris en Europe, et maintenant. Beaucoup de gens bien intentionnés, sensibles au racisme et à la xénophobie en Europe tentent de minimiser le problème et de limiter sa dénonciation (http://siawi.org/article1775.html Conscientious Objection : Amnesty International Persists in Suppressing Dissent, Marième Hélie Lucas, 2010). (http://siawi.org/article6771.html Amnesty International et la répression interne de l’objection de conscience, Marième Hélie Lucas, 2010). (http://siawi.org/article1706.htmlAmnesty International et les Intégristes : une vieille histoire - l’exemple algérien, Marième Hélie Lucas, 2010). (http://siawi.org/article1766.htmlDes militants des droits humains demandent raison à Amnesty International, 2010). (http://siawi.org/article1669.htmlDéclaration par des Algériennes et Algériens sur l’affaire Gita Sahgal contre Amnesty International et Moazzam Begg, 2010).

C’est une grave erreur d’analyse – et une erreur stratégique, car ils nous privent ainsi de légitimité pour lutter contre ce phénomène politique, qui de surcroit affecte terriblement les femmes. (http://siawi.org/article2624.html In the Name of Democracy – What Secularists and Women Have to Lose in the Tunisian Elections, Marieme Hélie  Lucas, 2011)

On croit souvent à tort que l’intégrisme est un phénomène religieux ; il n’en est rien, c’est un mouvement politique d’extrême droite qui utilise et manipule la religion pour parvenir à ses fins : la prise de pouvoir politique. D’où le développement de termes tels que « l’Islam politique » ou bien la « droite religieuse » ou la « droite musulmane ». Au sein de toutes les religions, il y a des croyants pour contester, souvent au risque de leur vie, la vision réactionnaire des intégristes.

Pour mieux comprendre ceci, il nous faut bien distinguer des concepts qui sont le plus souvent utilisés à tort et à travers, comme s’ils étaient interchangeables. Comme nous le verrons, il est de l’intérêt des intégristes d’entretenir la confusion de ces concepts. C’est pourquoi nous devons être vigilantes et nous astreindre à les distinguer sans relâche.

Islam, Musulmans, Intégristes: Quelques définitions indispensables :

Islam :

L’Islam est une religion, c’est à dire une croyance, une théologie, une philosophie, une idéologie, une vision du monde ; cela se situe donc au niveau des idées.

Les religions ne sont pas monolithiques.

Il y a différentes écoles de pensée en Islam et de nombreuses « sectes » (sunnites, chiites, hanbalites, malékites, ahmadis, etc.), tout comme il y en a dans le christianisme (catholiques, protestants, orthodoxes, etc.). Il est fréquent que chacune de ces tendances considère les autres comme hérétique et donc ennemie, à convertir ou à détruire par la force.

Il y a également différentes interprétations et courants politiques en chacune : c’est pourquoi vous verrez des croyants soutenir des positions complètement contradictoires et, les uns comme les autres, citent la Bible ou le Coran pour justifier leurs positions.

Mais on sait bien, par exemple, que la position du Vatican ou de l’Opus Dei sur la contraception et l’avortement (un « péché mortel », y compris quand la vie de la mère était menacée par une grossesse) diffère radicalement de celle de la théologie de la libération en Amérique latine (qui « pardonnait » aux femmes pauvres chargées de famille d’avoir recours à des méthodes modernes pour éviter de nouvelles naissances) ou des « prêtres ouvriers » qui soutenaient les mêmes positions. Comme on peut le voir, cette différence d’interprétation de la religion catholique – le Dieu terrifiant ou le Dieu d’amour et de miséricorde – équivaut souvent, pour les femmes, à la vie ou à la mort.

En Islam aussi, il existe des théologiennes et théologiens progressistes et l’équivalent d’une théologie de la libération ; celle-ci diffère tout aussi radicalement de l’interprétation des intégristes.

On attribue à Aristote la phrase fameuse qui distingue le monde des idées du monde réel : « le concept de chien n’aboie pas ». Il voulait par-là insister sur le fait que seul les chiens réels aboient, mais que l’idée de chien reste une idée et n’a pas ce pouvoir.(http://siawi.org/article5867.html Fatwas, Opinions and Aristotle :The Concept of Dog does not Bark, Marième Hélie Lucas, 2013)

C’est une position que soutiennent aussi des théologiens musulmans progressistes, comme Soheib Bencheikh, qui fut Grand Mufti de la mosquée de Marseille. En réponse à des ignorants qui justifient le pire en proclamant  :« le Coran dit que… », ces théologiens progressistes répondent  :« Le Coran ne parle pas » ou bien :« Je n’ai jamais vu un Coran se promener dans la rue ». Ils veulent par-là indiquer que l’idée ne s’exprime pas directement, mais, par définition, s’incarne au travers d’êtres bien réels qui se réclament d’elle.

Dans la Bible comme dans le Coran, on trouve tout et son contraire  : le Dieu de la guerre et le Dieu de la paix, le Dieu vengeur et celui de la miséricorde : ce sont les croyants qui choisissent de privilégier l’un ou l’autre, dans la lecture qu’ils en font.

 

Les Musulmans :

Les musulmans sont des gens – bien réels – qui se réclament de l’Islam et qui agissent au nom de leur croyance religieuse et en conformité avec ce qu’ils en comprennent – du moins en principe. Nous sommes ici non plus au niveau des idées, mais à celui de la sociologie et de la politique, de ce que font concrètement les gens qui se déclarent musulmans.

Notez tout d’abord que la tendance actuelle d’étiqueter « musulmans » (http://siawi.org/article790.html Dans la prison des identités religieuses : où sont les femmes et les laïcs des pays musulmans dans le discours d’Obama au Caire ?, Marième Hélie Lucas, 2009) tous les gens qui vivent dans ou sont originaires de pays à majorité musulmane ou de familles musulmanes réduit la foi religieuse à un accident de lieu de naissance ; on ne devrait jamais se permettre de donner à quelqu’un un label religieux, sans lui demander d’abord ce à quoi il croit. C’est de toute évidence une insulte aux croyants et, de façon non moins importante, c’est une insulte à la liberté de pensée de ceux, tellement nombreux dans nos pays, qui ne croient en aucun Dieu et ne se réclament d’aucune religion. Face à la montée intégriste qui tient qu’il faut tuer les incroyants, cette majorité demeure silencieuse. (http://www.siawi.org/article4230.html Honneur aux dissidents, Marième Hélie Lucas, 2012)

Une façon simple et très importante de lutter contre la mainmise intégriste sur nos vies est de n’utiliser le terme « musulman » qu’en référence exclusive aux gens qui croient en l’Islam. Et non pas à tous les habitants d’un pays ou à tous ceux qui portent un prénom d’origine arabe.

Ici, je n’utiliserais le terme « musulman » que pour parler des croyants en l’Islam.

Dans les statistiques faites actuellement en Europe où l’on vous dit « x% de musulmans pensent que… », on commet – peut-être à dessein - une erreur conceptuelle et méthodologique énorme et inacceptable ; et, politiquement, on vous mène en bateau. Car, à aucun moment, on n’a demandé aux gens interrogés s’ils avaient une religion et laquelle ; on leur en a attribué une automatiquement sur la base de leur origine géographique ou de leur nom. Une étude digne de nom menée en France (où l’État lui-même s’interdit de conserver des statistiques religieuses et ethniques), il y a une dizaine d’années, montre l’énorme proportion de gens supposés musulmans qui se déclarent incroyants ou agnostiques (http://siawi.org/article4622.html- Why Are Women of Migrant Muslim Descent at the Forefront of the Struggle for Secularism  ?, Marième Hélie Lucas, 2010).

Et celle encore plus grande qui se déclarent non pratiquants. Il est intéressant de noter que cette proportion se retrouve quasi exactement parmi les supposés catholiques, car cela montre que les présumés « musulmans » ne sont, ni plus ni moins, religieux que les autres, dans un pays donné, à une époque donnée.

Enfin, parler de « musulmans », de façon indiscriminée et sans lien avec leurs réelles croyances religieuses, incommode également un très grand nombre de croyants laïques qui veulent pour leur pays des lois démocratiques et non pas prétendument divines, c’est à dire des lois votées par le peuple ou par les représentants du people, modifiables par la volonté du peuple. Par contraste, la loi divine serait a-historique et inchangeable, donc contraire au principe démocratique.

Il existe d’énormes différences entre les pays dits musulmans ; les lois reflètent ces différences culturelles et politiques. Dans certains pays de tradition musulmane, les femmes sont enfermées à vie, ne peuvent se déplacer sans un gardien mâle, ne peuvent contracter mariage elles-mêmes en tant qu’adultes et sont données en mariage - souvent sans leur consentement, voire contre leur gré - par leur tuteur matrimonial, subissent la répudiation unilatérale hors de toute cour de justice, n’ont pas la garde de leurs enfants, sont mariées dès l’âge de 9 ans, etc. ; à l’autre bout du spectre, il existe des pays musulmans où les femmes sont chefs d’État et de partis politiques, femmes d’affaires, chefs de famille, imams, etc. Et entre ces extrêmes, existent toutes les combinaisons et variations possibles, et ce, quelle que soit la secte de l’Islam dominante dans le pays.

Les lois dites musulmanes montrent abondamment cette disparité et cette hétérogénéité ; leur comparaison rend évidente la facture humaine et non divine des diverses législations.(http://www.wluml.org/node/588, Knowing Our Rights :Women, Family, Laws and Customs in the Muslim World, WLUML 2006).

Mais ce qui est intéressant, c’est que, néanmoins, dans chaque pays, les autorités prétendent que ces lois reflètent le véritable esprit de l’Islam.

Il est donc absurde d’utiliser le terme « charia » pour désigner des lois humaines si diverses et contradictoires, qui reflètent des intentions politiques si opposées. Cela leur confère une légitimité religieuse qu’elles ne méritent pas.

Le terme de « charia » laisse à penser qu’il existe un corpus de droit commun à tous les pays musulmans, ce qui n’est pas le cas, puisque les lois diffèrent tant d’un pays dit musulman à un autre ; Il n’existe pas une loi « islamique », mais des lois « musulmanes » qui sont bel et bien l’œuvre d’hommes qui se déclarent croyants en l’Islam.

La loi religieuse est-elle celle qui donne aux hommes le droit de répudier oralement leur épouse (talaq) sans passer devant un juge (exemple : Algérie jusqu’à une date récente, Inde, etc.) ou celle qui donne des droits égaux aux époux dans le mariage (Turquie) ? Celle qui donne aux femmes le droit de choisir leur mari (Tunisie) ou bien celle qui leur impose d’être éternelles mineures, données en mariage par leur wali ou tuteur matrimonial (Algérie) ?

Celle qui leur interdit d’initier le divorce (, celle qui leur en donne le droit, ou celle qui use d’un subterfuge (droit délégué au divorce, talaq et tafwiz) pour le leur permettre sans toucher aux privilèges du mari (exemple : Pakistan) ? Celle qui punit de mort toute relation sexuelle hors mariage (Iran) – y compris en cas de viol – (Pakistan) ? Celle qui interdit la contraception et l’avortement (Algérie), ou bien l’autorise (Tunisie), ou celle qui ordonne des stérilisations forcées (Bangladesh) ?

On pourrait donner bien des exemples de disparités similaires concernant la garde des enfants, le droit à une pension alimentaire, le partage des biens et l’héritage, la monogamie et la polygamie, les mariages forcés, le droit de vote ou celui de conduire, etc. Ceux-ci se trouvent dans le livre précité.

En fait, on devrait traduire « charia » par « morale divine » plutôt que par « loi islamique ». Les non-musulmans comprendraient mieux ce que c’est, mais les musulmans aussi, qui craignent souvent de s’élever contre des lois qu’on leur dit divines, alors qu’elles sont tout simplement, comme partout ailleurs dans le monde, le reflet de forces politiques dominantes dans une société donnée, à un moment donné de l’histoire.

Il est bien entendu de l’intérêt primordial des intégristes de faire croire qu’il existe une loi divine, reflétée exactement et exclusivement dans leur interprétation de la religion et les règles et pratiques qu’ils mettent en œuvre dans les territoires qu’ils contrôlent. Ainsi, si vous vous opposez à eux sur un quelconque point, ils pourront vous accuser d’être contre l’Islam lui-même, et donc d’être de dangereux « kofr » qu’il convient d’éliminer physiquement.

C’est pourquoi, le terme « charia » ou de « loi islamique » –au singulier- est à proscrire pour désigner les lois dans les pays à majorité musulmane : il vaut mieux parler de « lois dites musulmanes », au pluriel. Continuer à utiliser le terme « charia » revient à apporter de l’eau au moulin idéologique intégriste.

Intégrisme/Fondamentalisme

Personnellement, j’utilise de façon interchangeable les termes intégrisme (plutôt utilisé en français) et fondamentalisme (plutôt utilisé dans les pays anglo-saxons) ; je ne pense pas qu’ils aient des acceptions différentes.

Tous deux font référence à un mouvement religieux de retour aux sources, aux fondamentaux immuables d’une religion (originellement le mot est apparu en référence au protestantisme). Mais il faut aujourd’hui comprendre l’intégrisme comme un mouvement politique mondial, où des forces réactionnaires et d’extrême-droite utilisent la religion pour parvenir au pouvoir politique et imposer, par la force, leur hégémonie.

En Algérie, nous qualifions ces forces politiques de fascistes, depuis les années 1990 où ils ont attaqué la population, comme ils le font aujourd’hui en Iraq et en Syrie, par exemple (mais, alors, dans l’indifférence internationale). Nous utilisons les termes de « fascisme vert » ou d’« islamo fascisme ».

Le terme fasciste n’est pas utilisé ici à la légère ; en effet, si l’on ne peut comparer des situations historiques différentes sur des continents différents et dans des contextes économiques différents, on peut constater que les intégristes musulmans armés, qui sévissent en différents points du globe aujourd’hui et y « font la loi », partagent avec le fascisme et le nazisme plus d’un point idéologique :

- comme les Nazis allemands qui défendaient l’idée d’une race supérieure (les Aryens), les intégristes musulmans croient à une religion supérieure  : l’Islam

- comme les fascistes italiens, ils fondent cette supériorité sur un passé glorieux mythifié (la Rome antique et l’Âge d’or de l’Islam) et veulent le retour au califat rêvé.

- de ces deux préalables, ils déduisent le droit et le devoir d’éliminer physiquement les catégories humaines inférieures (les ‘untermensch’ pour les Nazis, c’est à dire les juifs, les roms ou gypsies, les gays, les malades mentaux, les communistes ; les ‘kofr’ pour les intégristes musulmans, c’est à dire tous les « incroyants » – et cela inclue tous les croyants musulmans qui n’adhèrent pas à leur vision intégriste de l’Islam, comme le prouve le fait que la majorité de leurs victimes sont des citoyens de pays dits musulmans.

- comme les Nazis et fascistes, ils sont pro-capitalistes et estiment que la justice sociale passe par (et s’arrête à) la charité et l’aumône (zakat).

- comme les Nazis et les fascistes, ils veulent maintenir les femmes à leur place (selon la célèbre formule nazie  :« à l’église, à la cuisine et auprès du berceau » – remplacez « église » par « mosquée »).

- enfin comme eux, ils sont expansionnistes : leur plan mondial comprend la conversion des non-musulmans et l’implantation de théocraties et du califat pour remplacer les démocraties.

Identifier ces forces en termes politiques, et non en termes religieux, est un pas essentiel pour se permettre de les combattre, sans craindre d’être accusé de s’attaquer à l’Islam. Aucun théologien musulman progressiste ne justifie religieusement les actes de guerre des intégristes musulmans. Les théologiens progressistes de l’Islam sont nombreux à les condamner publiquement, au risque de leur vie  ; et nombreux sont aussi les musulmans (c’est à dire les croyants) qui les condamnent et les combattent, dans leur pays et internationalement. Toutefois, ces prises de position ne sont guère reflétées dans la presse internationale, ce qui explique pourquoi nos presses nationales leur donnent également si peu d’écho. À nous de les faire connaitre dans nos réseaux, pour mieux les soutenir.

Qu’il s’agisse de l’extrême-droite chrétienne, hindouiste, juive, bouddhiste ou musulmane, on peut dire globalement que tous les intégrismes sont en train de monter dans le monde, ces dernières décennies.

Depuis la Conférence mondiale des Nations Unies sur la population et le développement au Caire, suivie par celle de Pékin sur les Femmes, on a pu voir les alliances qui s’opèrent entre ces différents intégrismes  : ils s’unissent par exemple contre les droits reproductifs. Au Caire, Al Azhar et le Vatican y avaient fait cause commune ; et les récentes attaques par la droite chrétienne en Espagne pour supprimer l’accès à l’avortement ont été applaudies par la droite musulmane.

Pour rendre les choses encore plus claires, les partis d’extrême-droite classiques, tels que le Front national en France ou le Parti de la liberté en Autriche, soutiennent généralement les revendications des intégristes, en dépit du caractère globalement xénophobe de ces partis. Il faut aussi se souvenir que les Nazis ont soutenu l’émergence de la droite hindouiste en Inde.

Les demandes des intégristes musulmans en Europe sont les mêmes que celles qu’ils font ou ont fait dans nos pays d’origine. (http://siawi.org/article3635.html A Spring Without Women, Marième Hélie Lucas, 2012). Cela devrait nous éclairer sur la position à prendre.

Au nom de l’identité, ils réclament, par exemple, la ségrégation entre hommes et femmes dans l’espace public, un système législatif qui reconnaisse les lois religieuses (selon l’interprétation qu’ils en font) à parité avec la loi votée par le peuple, une scolarité aménagée pour accommoder leurs interdits, comme par exemple l’interdiction d’enseigner la biologie, l’art, etc. (http://siawi.org/article6507.html  Against Gender Apartheid, Marième Hélie Lucas,  2013). (http://siawi.org/article6373.html Sex segregation in UK universities – a step forward for the Muslim Right, Marième Hélie  Lucas, 2013). (http://siawi.org/article2396.html Secularism Vs Communalism :Learning from the Ban on Full Face Covering Veil in France, Marième Hélie Lucas, 2011). (http://siawi.org/article3423.html The struggle of French Women of Migrant Muslim Descent in Defence of Secular State Schools, Marième Hélie Lucas, 2012). (http://siawi.org/article7367.html Campagne pour le retrait du Guide sur les successions conformes à la charia, 2014)

En fait, ils s’attaquent ainsi aux fondements de la démocratie, selon laquelle les lois sont - par définition – non pas immuables et d’origine divine, mais votées par tous les citoyens et modifiables par la volonté du people.

Dans ce contexte, le voile, et plus particulièrement le voile intégral qui couvre le visage et le corps de la tête aux pieds, sert aux intégristes de drapeau et d’étendard, pour rendre leur présence visible dans l’espace publique. Notons que ce costume prétendument islamique est étranger à la plupart des femmes dans leur pays d’origine, à leur culture et à leur façon de pratiquer traditionnellement leur religion. Il est fraichement importé d’Arabie Saoudite et menace d’éradiquer les costumes nationaux (du boubou au sari et au sarong en passant par les robes berbères d’Afrique du Nord). Curieusement, personne ne pointe l’anéantissement culturel que représente son expansion. (http://siawi.org/article6050.html In Europe, The Veil Is Nothing but the Flag of the Muslim Far Right, Marième Hélie Lucas, 2013). (http://siawi.org/article3550.htmlVeil-S, Marième Hélie Lucas 2006)

Quelle est la meilleure stratégie pour s’opposer au projet politique des intégristes de propager le costume saoudien à travers l’Afrique, l’Asie, l’Europe et les Amériques, sous couleur d’Islam, cela reste à débattre  : est-ce l’interdiction dans l’espace public – dont je rappelle que ce fut le choix de plusieurs pays arabes  ? Mais ce qui n’est pas à débattre c’est qu’il s’agit bien d’un projet politique et non de religion. (http://siawi.org/article6049.html  To Ban or Not to Ban the Burqa, Maryam Namazie, 2013).

La plupart des théologiens musulmans progressistes s’y opposent d’ailleurs publiquement.

En conclusion

Disons que les intégristes musulmans mènent, souvent par la force et la terreur, un projet politique d’extrême-droite, que la plupart des musulmans, ainsi que beaucoup de citoyens de pays musulmans et de communautés musulmanes qui eux-mêmes ne se réclament pas d’une appartenance religieuse, réprouvent et combattent. Malgré cela, les intégristes prétendent parler au nom de tous, et de plus, au nom de l’Islam, espérant ainsi réduire au silence ceux qui défendent la démocratie contre la théocratie. (http://siawi.org/article8033.htmlLes musulmans indiens prennent position contre l’’Isis, 2014). (http://siawi.org/article8346.htmlInde : Écoute, parent musulman, Javed Anand, 2014).

Devant cette situation, les stratégies des femmes ont été multiples pour combattre les intégristes. Elles se sont battues simultanément avec différentes stratégies :

- de l’intérieur de la religion, pour tenter de prouver aux intégristes que leur interprétation religieuse était erronée, ou qu’à tout le moins, il en existait d’autres plus favorables aux femmes. Malheureusement, cette tendance a dégénéré en ce qui se nomme actuellement le « féminisme islamique », devenu graduellement une aile féminine des partis intégristes.

- au nom des droits humains pour obtenir que, hors de tout relativisme culturel, les droits humains universels des femmes ne soient pas limités par la culture ou la religion. La Charte africaine est à cet égard un excellent modèle, qui ne donne sa bénédiction à « la culture » que pour autant que celle-ci respecte les droits des femmes et ne leur soit pas défavorable. Il est indispensable pour les femmes qui défendent les droits universels des femmes, de soulever régulièrement la question  : Qui définit la religion  ; Qui définit la culture  ? Qui parle au nom de la religion ? Qui parle au nom de la culture  ? Et de pointer qu’il s’agit généralement de vieux males conservateurs et bien rarement de femmes jeunes et progressistes.

- au nom de la laïcité, pour que les lois de nos pays demeurent démocratiquement votées et non décidées unilatéralement par des religieux qui prétendent parler au nom de la religion. S’opposer aux intégristes, c’est laisser les croyances religieuses et leurs représentants auto-proclamés à leur place, c’est à dire leur retirer tout pouvoir de décision politique. Car ce que demandent les intégristes, ce n’est pas de pouvoir pratiquer en paix leur religion, mais d’imposer à tous leur vérité.

Ainsi l’on voit bien que, quand des pays adoptent des lois progressistes sur les droits reproductifs, permettant aux femmes l’accès à la contraception et à l’avortement, ils ne forcent en rien les catholiques à pratiquer la contraception ou l’avortement qui leur sont interdits par leur religion. De la même façon, si la loi du pays donne des droits égaux aux hommes et aux femmes en matière d’héritage et si la femme musulmane s’imagine que sa religion ne lui donne que la moitié de la part de son frère, rien ne l’empêche de lui en faire don. Et si la loi donne le droit à toute femme majeure de choisir seule son mari et de contracter mariage, rien en l’empêche d’obtenir le consentement de son père.

La loi permet, ne force pas … Mais les intégristes ne veulent pas que d’autres aient des droits qu’ils se retirent eux-mêmes ou retirent aux femmes de leur communauté. Ils s’opposent violement à ce que d’autres qui ne partagent pas leurs croyances aient des droits qu’ils désapprouvent.

La distinction entre Islam, musulmans et intégristes est une distinction fondamentale. Partout dans le monde musulman, il existe des femmes et des hommes (croyants et non-croyants, nés dans des familles musulmanes) qui se battent contre les intégristes au péril de leur vie. Nier le danger intégriste, les laisser parler en notre nom, est une erreur dramatique.

Nous devons porter et relayer la voix de ceux qui se battent contre l’intégrisme musulman.

(http://siawi.org/article8447.htmlTout le monde connait l’histoire des djihadistes, mais est-ce qu’on connait l’histoire de ceux qui mènent l’anti-djihad ?, Karima Bennoune, 2014). Lire aussi le livre de Karima Bennoune :Your Fatwa does not Apply Here:Untold Stories from the Fight against Muslim Fundamentalism, 2013)

 

 

 

 

 

 

 

Network Source: