Développement de l’autonomie et du leadership des femmes pour la democratisation

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Mondial: L’islamisme contre les femmes, partout dans le monde

Article publié dans Respublica, journal de la Gauche républicaine, septembre 2004 par Mimouna Hadjam, militante de Afrika 93.
Tenter de démêler les racines de « l’affaire du voil », c’est tenter de comprendre la nature de l’idéologie véritable qui se cache derrière le voile).

Cette idéologie qui a pour nom « islamisme politique », si elle ne saurait ignorer les interférences dues aux changements économiques et politiques sur la scène internationale, s’attaque prioritairement aux femmes, et il faut le rappeler aux femmes musulmanes. En Afghanistan, en Algérie, au Nigeria, en Iran, ce sont des femmes musulmanes qui ont été assassinées, torturées, lapidées. Heureusement pour nous, femmes immigrées ou issues de l’immigration, nous ne vivons pas cette situation ; cependant, il faut reconnaître que cette idéologie a contaminé la France. Bien sûr, elle n’a pas le visage de la barbarie qu’on lui connaît dans ces pays, mais des milliers de femmes immigrées ou issues de l’immigration sont victimes d’une double discrimination : victimes du racisme, d’une part, et de cette idéologie patriarcale et obscurantiste, d’autre part.



Dans le domaine du statut personnel qui régit les relations personnelles (mariage, divorce), les femmes qui vivent en France se voient appliquer par des tribunaux français des législations de leurs pays d’origine. De plus en plus de femmes se retrouvent répudiées au pays d’origine, par le mari qui prononce la formule magique trois fois (comme le veut la charia) ; ce dernier n’a plus qu’à la faire valider par exequatur en France pour que la femme se retrouve répudiée selon le droit musulman, et surtout spoliée de tous ses droits, en matière de logement, d’autorité parentale, voire de garde d’enfants ; cela ne date pas d’aujourd’hui. Une jeune, marocaine, âgée de 26 ans, habitant La Courneuve, s’est vu enlever ses quatre enfants, tous de nationalité française, en 1990, par le père au Maroc, qui jugeait que sa femme montrait des idées d’indépendance ; répudiée au pays, le tribunal a donné la garde au père. La juridiction française n’a fait qu’entériner la décision marocaine, malgré une enquête sociale favorable à la mère. Ces femmes ne pourront jamais se remarier – ni même vivre en concubinage, du fait de la pression religieuse et communautaire, et parce qu’elles gardent toujours l’espoir qu’on leur rende leurs enfants.



Une autre de ces humiliations permises par la charia est la polygamie, officiellement interdite en France, mais tolérée, toujours « au nom du respect de la culture des autres ». L’impact de cette possibilité sur le mental des femmes est énorme, car elles vivent dans la terreur d’un second mariage du mari, les entraînant dans un état de dépendance et de soumission. Inutile d’entrer dans des considérations religieuses, ou explications théologiques : la polygamie est un véritable esclavage moderne, puisqu’elle permet à un homme d’aller chercher une, deux, trois femmes, de les répudier à sa guise, et de les exploiter comme bon lui semble. Comme le droit au séjour n’est garanti que pour la première épouse, les autres femmes n’auront aucune existence légale et deviendront des bonnes à tout faire.



Rappelons que le réseau féministe s’est prononcé, de longue date, pour un statut autonome des femmes immigrées, leur permettant l’obtention d’un titre de séjour, indépendamment du conjoint. De nombreuses naissances sont déclarées au nom de la première épouse, niant à la fois les droits de la mère et ceux de l’enfant, accentuant la pression et le chantage contre ces femmes.



Devant ce triste tableau, on pourrait penser qu’il y a un léger mieux du côté des jeunes femmes, et des filles, mais c’est oublier que le mépris des femmes s’inscrit en lettres majuscules dans nos contrées banlieusardes où règne l’obscurantisme.



Des scandales ont éclaté à propos des mariages forcés. Là aussi, il ne faut sous estimer le poids des pressions familiales, la naïveté. des filles qui ne disent pas franchement oui, franchement non. Il faut comprendre comment on en est arrivé à cette terrible régression pour des filles françaises. Il s’agit d’abord d’une vie de fillette qui, même si elle est scolarisée, vit sous le contrôle permanent de la famille et de la communauté, dans la cité. Elle est surveillée par le frère, le copain du frère, les gars du quartier ; ses déplacements sont limités et la cité devient le bled. Les parents ont peur de la francisation de la fille, qui est vécue comme une débauche, parce qu’elle a été surprise en train de fumer, ou avec un petit copain, ou elle s’habille trop « sexy ». La solution du mariage est « proposée » à la fille. Peu de filles se rebellent car les pressions sont énormes, et on peut faire une comparaison avec il y dix ou vingt ans, où les filles étaient moins dans la soumission.
Parce que justement le tribunal communautaire s’est élargi contre les filles, et à la difficulté compréhensible de se plaindre contre sa famille s’ajoute la volonté de sauver sa peau, car les filles sont victimes de violences régulières de la part de leurs frères auxquelles assistent impuissantes leurs mères. Une mère de cinq enfants à Drancy raconte : « Mes fils de 17 ans et 25 ans tabassent presque quotidiennement leurs deux sœurs âgées de 16 ans et 23 ans, et pourtant elles sont sérieuses, l’une est étudiante en médecine ; il vaut mieux qu’elles se marient. » Ces mariages, plutôt arrangés, se font avec un cousin, l’été, au pays, qui pourra par la même occasion obtenir le précieux titre de séjour.



L’évolution des comportements face au mariage n’est pas la même dans toute l’immigration. Pour l’immigration originaire de l’Afrique de l’Ouest, le mariage s’est développé sous forme de viol légalisé. Le GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles) mène une campagne nationale de prévention dans les établissements scolaires contre ces pratiques. Des jeunes filles, voire des fillettes, sont « mariées » et cela se traduit par des viols répétés tous les week-ends, le plus souvent au domicile des parents, mais ça peut être dans un hôtel, dans un foyer. Si le mari est en Afrique, on conduit la fillette là-bas, et elle peut revenir après consommation du mariage.



L’inadmissible, c’est qu’en France, des filles mineures sont violées régulièrement par des « maris », qui sont le plus souvent en situation irrégulière, et l’on attend la majorité des filles pour organiser le mariage civil. À Saint-Denis, deux sœurs, une âgée de 13 ans et demi, collégienne, l’autre de 16 ans, ont été « mariées », personne n’a rien vu, jusqu’à ce qu’elles soient enceintes ; ces filles se sont retrouvées dans l’obligation de faire « l’épouse », puis la maman, en sacrifiant leurs études.
Cela se passe en France : des viols régis par un engagement religieux devant témoins, et on ne peut que hurler devant cette régression qui frappe des femmes, des filles, quand on sait la dureté des combats féministes qui ont été menés pour la reconnaissance de la criminalisation du viol.



Alors, oui, ne pas accepter l’emprise de l’intégrisme et du religieux sur nos vies de femmes devient l’urgence, car cela ne fait que renforcer la théologie du machisme, de la domination masculine. Il est nécessaire de s’interroger sur les raisons de cette régression, que nous vivons depuis une vingtaine d’années dans les quartiers.



Lorsque éclate l’affaire des premiers foulards, nous sommes en 1989, deux avant la guerre du Golfe qui représente une césure importante pour l’immigration. La guerre du Golfe a accentué le brouillage dans l’immigration, qui n’a pas pu s’exprimer politiquement, de peur de se voir assimiler à la cinquième colonne de Saddam Hussein (il faut se rappeler que le gouvernement avait mis en place toutes les phases de son plan Vigipirate). Certaines associations islamistes en ont profité pour apparaître publiquement et récupérer cette contestation qui grondait de manière souterraine. Était-ce un fait nouveau ? Non. L’immigration ou plutôt les immigrations qui vivent en France ne sont jamais restées coupées de ce qui se passait dans leur pays d’origine et dans le monde, et on ne va pas le leur reprocher. Dans le contexte de la crise économique de la fin des années 1970 qui les frappe durement et prioritairement, la « révolution » islamique en Iran trouve un premier écho favorable dans l’immigration. Il faut se souvenir que le régime du shah, honni par le peuple iranien, soutenu par les USA, balayé par Khomeyni, a eu de larges soutiens, partout dans le monde, y compris dans la gauche française. Ce premier événement politique mondial a eu des répercussions immédiates en France. Les grèves des années 1980, et notamment celles du « printemps de la dignité » chez Citroën ont vu apparaître les premières revendications de mosquées à l’intérieur des entreprises. Sans rejoindre le délire de Pierre Mauroy qui voyait des intégristes partout, nous étions quelques militants politiques et associatifs à marquer notre inquiétude devant ce courant, certes minoritaire, mais qui existait.



Les premiers foulards apparaissent à ce moment chez la seconde génération de l’immigration, chez des jeunes filles très cultivées voire les plus politisées à gauche (l’une des leaders de la « marche des beurs » porte le foulard, en 1984). Et puis le fait le plus significatif est la réapparition de la polygamie dans l’immigration maghrébine, alors qu’elle avait complètement disparu. A cette époque, beaucoup de ces femmes, marocaines, algériennes témoignent dans nos permanences du changement de leur mari : « Mon mari depuis qu’il est au chômage, il a changé, et a pris le chemin de la mosquée où il a trouvé de mauvais conseillers qui lui ont dit de se remarier pour reprendre confiance en lui. » Et puis les premières demandes de cours de morale coranique arrivent dans les associations qui dispensent de l’aide aux devoirs ou les services municipaux de jeunesse ; ces demandes seront satisfaites, comme en Seine-Saint-Denis, dans le Nord, avec mise à disposition de locaux ou créneaux horaires sur les activités existantes.



Le mouvement islamiste s’est construit en ciblant certains quartiers : forte concentration d’immigrés musulmans, pauvreté, chômage, précarisation, drogue. Ce cocktail de mal-vie était un terreau favorable au développement des idées les plus obscurantistes et ténébreuses, tout comme il l’était pour le développement des idées racistes du Front national. Dans ce contexte, le mouvement islamiste a aggravé la vie des immigrés et celles des femmes, et peu d’associations malheureusement ont eu la clairvoyance de dénoncer cette situation, pour tenter de protéger la population immigrée des pressions de l’islamisme politique. Pressions qui allaient s’aggraver avec l’avènement du FIS en Algérie, où là aussi les répercussions ont été immédiates et plus profondes.



L’Algérie est proche, les immigrés voyagent, il y a la parabole, les jeunes d’origine algérienne à qui on a volé leur histoire, celles de leurs parents, à qui on raconte qu’ils sont français, mais qu’on rejette, qu’on exclut, se passionnent pour cette nouvelle histoire, tout en se sentant solidaires de leurs frères méprisés en Algérie.



Les réseaux islamistes en profitent pour mieux s’organiser, recruter dans un premier temps parmi les diplômés issus de l’immigration. Des associations d’entraide voient le jour, pour l’aide aux devoirs, et on commence à sentir le travail spécifique en direction des femmes. Dans le Nord, des jeunes Français convertis à l’islam sont envoyés au porte-à-porte, pour discuter spécialement avec les femmes. Si les parents sont bluffés devant ces blonds aux yeux bleus, qui s’expriment parfaitement en arabe, ils restent cependant prudents et préviennent leurs enfants : « Nous sommes musulmans et nous vous apprendrons notre religion comme nos parents nous l’ont apprise. » Les filles fréquentent assidûment conférences et colloques, et gagnent dans un premier temps un certain statut. Dans le Douaisis, elles vont influer pendant trois à quatre ans dans des associations de parents d’élèves, de femmes, des commissions paramunicipales, faisant un travail de contrôle sur les filles, et étant chargés d’une mission : moraliser le quartier perdu par soixante années de communisme, et donc de mécréance, en vue de la réislamisation. Au début des années 1990, lorsque le FIS est dissous en Algérie, certains de ses militants trouvent asile en France, et particulièrement dans nos quartiers, renforçant la coloration intégriste du mouvement islamiste dans ces quartiers. Les pressions ont désormais changé de nature, passant du privé à l’espace public et toujours contre les femmes.



Ainsi, de nombreuses associations ont été « visitées », les femmes qui les fréquentaient ont été menacées parce qu’elles assistaient à des cours d’alphabétisation ; des intimidations ont été menées contre les frères des filles qui faisaient de la danse, du théâtre, accusés d’être des « bouffons ». Des rumeurs ont été lancées contre les mœurs soi-disant débridées des dirigeantes féministes des quartiers, parce que athées, et donc forcément mécréantes et putes.



À La Courneuve, pendant des années, les insultes racistes, sexistes se côtoyaient dans un climat d’intimidation permanent, certaines femmes étaient suivies jusque chez elles, recevaient des lettres anonymes jusqu’au jour où deux militantes furent agressées en 1994, au prétexte qu’« elles débauchaient les musulmanes pour leur apprendre le français ». Dans le Nord, la même association (il faut en rire) a connu des tentatives d’ensorcellement pour faire peur aux femmes et les empêcher d’entrer dans le local. Les agissements des islamistes ne sont pas nouveaux, et il aura fallu attendre 1994 pour qu’une certaine prise de conscience ait lieu, lors des attentats de Marrakech où deux Français de La Courneuve étaient impliqués.



Beaucoup de nos commentateurs et amis de gauche, trop occupés à menacer les Algériens victimes de l’intégrisme de passage devant le tribunal pénal international, et à lutter pour la reconnaissance du statut de réfugié politique à leurs bourreaux, ont pris conscience que ça pourrait leur arriver en Europe.



Nous pouvions commencer à être écoutés, sur le fait qu’il existait un islamisme politique en France, qu’il quadrillait déjà certaines cités, que beaucoup de jeunes Français s’étaient faits enrôler en Bosnie, en Afghanistan, Et que, oui, il y avait eu une certaine complicité des services de l’Etat, qui ont donné l’asile territorial plus facilement à des militants islamistes qu’à des militants progressistes réellement menacés ; oui, il y a une complicité de certaines mairies de gauche qui ont préféré acheter la « paix sociale » en composant avec les associations islamistes par l’attribution de locaux, comme ce fut le cas à La Courneuve, Nanterre, Stains, Drancy, etc.



Ces dernières années, le conflit israélo-palestinien et la guerre en Irak ont été autant de graves événements qui ont aggravé ce basculement des jeunes vers l’intégrisme, d’autant plus que l’après-11 septembre a renforcé la suspicion anti-arabe, permettant à Bush, Berlusconi de donner de la voix à tous les abrutis de la terre sur le choc des civilisations. Il est nécessaire de rappeler quelques vérités à propos de l’islam et des religions en général. Il n’est pas juste de jeter l’anathème sur un cinquième de l’humanité, d’autant plus que le mal intégriste n’a épargné aucune religion. L’église chrétienne a vécu sous le signe d’une inquisition permanente à travers la guerre sainte suscitant des discours de haine, les croisades. Le judaïsme, pourtant victimes de persécutions, les a reprises contre les Palestiniens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. L’hindouisme a dérivé et est devenu sanguinaire avec sa minorité musulmane. Cela ne doit pas nous empêcher de critiquer, voire de blasphémer, contre les religions, sans pour autant insulter les adeptes de ses religions, et ce que nous avons fait dans l’affaire des foulards.



Garder nos positions féministes, ne pas faire preuve d’angélisme, ni de frilosité, encore moins de culpabilité, mais prendre toutes nos responsabilités, en restant solidaires des femmes immigrées qui souffrent les premières de cette situation. Nous sommes contre tous les foulards, qu’ils soient portés à Téhéran, Kaboul, Alger, La Courneuve, Lille, Marseille ; qu’ils recouvrent une partie du corps ou totalement, car les foulards du monde entier expriment une même chose : la soumission forcée des femmes à un programme d’oppression.



Nous avons analysé ces phénomènes dans l’immigration, et nous savons que, pour beaucoup de femmes, ce foulard n’a pas toujours la même signification. Pour les femmes de la première génération, il s’agissait surtout d’une tradition rurale, et puis, soyons honnêtes, ces femmes étaient si peu visibles que peu de gens se sont réellement interrogés sur leur confinement dans leur communauté et il aura fallu que leurs filles, non pas les imitent, mais ramènent une mode hors Maghreb, pour que le débat soit posé à la société française. Ces filles, adolescentes, le portent quelquefois pour faire plaisir aux parents, généralement immigrés récents. Elles pensent tout simplement gagner leur confiance, mais elles se retrouvent rapidement piégées ; si, dans un premier temps, le foulard est utilisé comme légitimation de sortie, l’entourage familial l’utilise comme moyen de répression et il sera impossible à la fille de se dévoiler car le dévoilement est considéré comme un péché, une insulte à l’islam. Alors ce foulard identitaire devient vite un foulard forcé. Et puis avec la multiplication des associations islamistes, des mosquées qui dispensent les cours, on voit se développer le nombre de petites filles « en apprentissage de foulard ». Le mercredi et le samedi, on voit dans les cités des gamines, âgées de moins de 10 ans, de plus en plus nombreuses, se diriger vers les cours religieux, foulard sur la tête. Cet apprentissage du foulard se fait sous la force tranquille de l’entourage, pour amener la fillette à revendiquer « son foulard » vers 14 ans en affrontant ses professeurs et en clamant « c’est mon choix ». Cette recherche ethnico-identitaire d’adolescente se fait sur le dos des femmes et il se trouve des défenseurs pour crier au racisme.



L’instrumentalisation des femmes, dès le plus jeune âge, reste l’une des cibles de l’islamisme politique et, pour cela, les islamistes ont à leur disposition une armada de militantes. Toutes les femmes de l’immigration ne sont pas des victimes, et l’immigration, tout comme le reste de la société française, est partagée par des contradictions : en effet, même si l’immigration a une appartenance massive à la classe ouvrière, il y a des gens de droite, de gauche, d’extrême droite, tout comme il y a des riches, des pauvres C’est une réalité avec laquelle il faut compter. L’islamisme politique a su le faire et, parmi les filles militantes, on retrouve des universitaires qui revendiquent l’islamisme de manière politique et il s’agit de les considérer comme des adversaires politiques. Ces militantes font un travail énorme basé sur la culpabilisation de femmes musulmanes, de leurs familles, à propos de l’échec scolaire des enfants, de la délinquance ; aucune accusation n’est portée, mais tout est suggéré. A l’aide psychologique et morale importante qu’elles apportent aux femmes les plus démunies s’ajoute souvent une aide matérielle et financière (garde d’enfants, paiement des colonies de vacances). Dans les quartiers, l’un de leur objectif est la réislamisation morale et elles ont réussi : haro sur la viande non hallal, avec des énormes pressions sur les parents. Il y a encore quelques années les parents qui, il est vrai, ne consommaient pas la viande non hallal recommandaient à leurs enfants d’en manger dans les cantines : « Mange et dis Bismil Allah, dieu te pardonnera ». C’est fini et dans le Nord il y a des cantines où des enfants, affamés, se gavent d’entrées et de desserts, à cause de cette interdiction. Plus un seul enfant des quartiers ne mange un chocolat sans lire la composition en graisses animales. Certaines, plus radicales, vont plus loin et interdisent de manger du fromage, puisque produit fermenté. De plus en plus de filles ne fréquentent pas les centres de loisirs ou si elles y vont, beaucoup d’entre elles cessent à l’âge de la puberté, trop sollicitées par les mosquées. On retrouve ce phénomène dans les classes de neige, classes verte, linguistiques, où de plus en plus de parents ne veulent plus que leurs filles se rendent, sous prétexte de mixité du bâtiment. Ces situations se sont aggravées et, on le sait, les mères ont été « travaillées » par des militantes.



Le mois du ramadan est leur mois de recrutement, car elles visitent les femmes à domicile, surtout les plus fragiles, divorcées, répudiées prostituées, délinquantes ; ces dernières peuvent trouver une certaine reconnaissance dans l’islam et les militantes marquent des points, d’autant plus que, dans la période du ramadan, elles en rajoutent pour fustiger les peu croyants, les incroyants, jeter la pierre sur les athées, grâce à leur statut de voilées. Alors on pourrait se dire tant pis pour elles, qu’elles se débrouillent, ce voile revendiqué est un choix conscient. Pour elles, oui, mais il faut les empêcher de contaminer d’autres femmes, car la frontière entre « revendiqué » et « forcé » ou « choisi » est étroite dans des quartiers où n’existe aucune mixité sociale, et les filles risquent d’être livrées rapidement à l’islamisme politique.



Les femmes voilées sont un réel danger pour celles qui ne le sont pas. Dans des cours d’alphabétisation, il y a majoritairement des femmes non voilées qui plaisantent lors des pauses, discutent à propos des hommes… Dans un cours à Drancy, une femme voilée est apparue, sonnant ainsi le retour à l’ordre moral, avec silence complet, les discussions reprennent sur la religion, alors qu’elle-même n’a rien demandé. Il lui a suffi qu’elle apparaisse dans son foulard pour terroriser le groupe. La présence d’une voilée impose le soi-disant respect, en verrouillant toutes les discussions, augmentant de fait la pression sur celles qui résistent. Par rapport à la cigarette, cela va plus loin, puisque les voilées imposent qu’aucune femme ne puisse fumer dans le groupe, alors qu’il n’y a aucune interdiction dans l’islam, arguant que ça fait mauvais genre pour une femme. Voilà ce qui nous a amené à dire non à tous les foulards, et pas seulement d’un point de vue républicain, mais d’un point de vue féministe. Nous voulons aborder la question du foulard d’un point de vue de l’islamisme politique et ses conséquences directes sur les droits des femmes.



Aujourd’hui, nous le savons, la charia réussit à passer dans les mailles du droit français par le biais des conventions bilatérales et des exequatur, les mariages forcés sont en augmentation. Qu’en sera-t-il demain si nous perdons le combat autour du foulard. L’urgence se trouve dans le combat autour de la défense de l’école laïque même si ce combat ne nous rend pas aveugles sur les carences de l’éducation nationale, car ce qui fait craquer l’école ne relève pas d’un fait culturel, mais est bien le reflet de mécanismes sociaux, d’exclusion qui existent dans la société. Une fois dit cela, nous ne pensons pas que c’est discriminant de demander à une fille voilée de retirer son foulard à l’entrée de l’école.



En 1989, nous avions pris position contre l’exclusion des trois filles à Creil, parce que cette exclusion avait été initiée par un principal connu pour ses positions très droitières. Et puis le débat se déroulait dans le contexte d’une France marquée par la montée de l’extrême droite et du racisme anti-arabe (la décennie fut particulièrement meurtrière pour des dizaines de jeunes Beurs). Avec les féministes, nous avions fait le pari du triomphe de la modernité sur l’ignorance.



Nous nous sommes trompées et le piège s’est refermé sur les femmes. Nous n’étions pas des fanatiques d’une loi car nous savons par expérience qu’une loi ne règle pas tout. Les différentes lois contre le racisme n’ont pas aboli le racisme, mais elles permettent aux victimes du racisme de se défendre. Si majoritairement personne ne s’interroge sur l’interdiction de l’excision, c’est grâce à la loi qui proscrit cette pratique. En ce sens, nous pensons que la loi pour la laïcité peut être un point d’appui pour les femmes et filles qui refusent la contamination des idées intégristes. Aucune loi n’est la panacée et nous continuerons de revendiquer une véritable politique sociale pour les quartiers, en matière d’éducation, d’emploi, de logement social, afin que les enfants ne se transforment pas en apprentis intégristes. La République doit être présente à ces niveaux-là, et pas seulement par le biais de sa police. Enfin, pour répondre à tous ceux qui disent que c’est une loi de droite, donc raciste, nous répondons que la loi pour la reconnaissance de l’IVG a été le fait d’un gouvernement de droite, et d’une ministre de droite, Simone Veil ; cela n’a pas empêché le mouvement féministe et toute la gauche de saluer cette victoire féministe.



Si des lois peuvent nous aider à construire l’égalité entre les hommes et les femmes, nous sommes partant car l’égalité des sexes est productrice de démocratie et s’il est un lieu ou elle doit s’apprendre c’est l’école. Nous nous opposons aux intégristes, pour qui la bataille autour du foulard est une étape pour tester le camp des laïques et pour aller plus loin vers l’interdiction du sport, ou contre la mixité. Nous nous opposons également aux penseurs « « droits-de-l’hommistes » qui veulent soi-disant respecter la culture des autres, et disons qu’il s’agit d’une position de relativisme culturel qui dit « tant qu’ils voilent leurs femmes dans leurs quartiers, dans les écoles de leurs quartiers, qu’ils excisent leurs filles, battent leurs femmes, les violent, c’est leur affaire, pas la nôtre ». C’est une attitude néo-coloniale, bien loin de cet internationalisme dont se targuent bon nombre d’entre eux. Quant à ceux intellectuels ou non originaires de l’immigration qui ont choisi de défendre les filles voilées, au nom de la liberté, nous leur répondons de ne pas oublier leurs camarades assassinés en Iran ou en Algérie par des hordes de barbares, les femmes enceintes éventrées, les bébés décapités. Avant de parler de liberté, il serait judicieux de demander à ces personnes qui se réclament de cette idéologie pourquoi ils ne se sont jamais désolidarisés des auteurs du génocide musulman en Algérie au nom de l’islam.



Nous avons fait le choix de construire un monde anti-sexiste, anti-raciste et donc sans barrière entre les couleurs et les sexes. C’est pourquoi nous avons choisi de revendiquer la laïcité la plus ambitieuse conjuguée à l’antiracisme, qui devra s’appliquer à toutes et à tous et servir d’antidote à tous les intégrismes.